Aujourd’hui Adrien Moulard, hypnothérapeute à Paris nous fait part de de son regard sur l’hypnose qu’il pratique.
Un mot fascinant que le mot « Hypnose ». Peut-être sa simple évocation vous renvoie-t-elle aux yeux globuleux et à la voix lancinante de Kaa, le serpent qui soumet Mowgli à son bon désir dans le Livre de la Jungle. Ou bien à une émission de TV ou à une scène de spectacle sur laquelle un hypnotiseur semble faire ce qu’il veut de ses cobayes. Souvent des choses ridicules d’ailleurs, dans l’optique de faire rire le public.
D’un autre côté, si vous êtes sur ce site internet, certainement avez-vous déjà été sensibilisé à une autre facette de cette approche, et savez-vous que ce sont des techniques ancestrales de communication qui peuvent faciliter le changement. Les médias en parlent de plus en plus en ce sens, et dépoussièrent ainsi son passé sulfureux au profit de ses vertus thérapeutiques.
De fait, les gens sont de plus en plus au courant de l’utilisation qui en faite dans les hôpitaux (gestion de la douleur, opérations où l’anesthésie générale est remplacée par une hypnoanalgésie…), aux urgences, dans les premiers secours, en cabinet, dans le sport. Même les managers commencent à en goûter les fruits !
Cet article a vocation à vous donner des clefs de compréhension de cette pratique qui redevient à la mode…
Comme tout outil, tout dépend de comment on l’utilise.
Prenons un exemple concret pour illustrer le fait qu’on peut utiliser ces techniques pour rigoler, comme dans un but thérapeutique : le fait que notre cerveau ait du mal à gérer la négation.
En lisant « essayez de ne pas penser à un hippopotame violet sur un fond jaune », c’est amusant de constater ce qui se passe dans votre esprit, n’est-ce pas ? Ça c’est pour le côté « fun ».
Que se passe-t-il maintenant à l’intérieur de vous lorsque la même technique est utilisée pour quelque chose d’utile, comme vous rapprocher d’un objectif important pour vous, et sur lequel vous avez l’impression de ne pas avancer autant que vous le voulez…
Alors autorisez-vous à ne pas ressentir trop précisément comment vos sensations changent lorsque vous lisez la phrase
« C’est comment, lorsque vous imaginez que vous avez atteint votre résultat ? »
Et n’allez pas prendre conscience trop vite que, quand vous avez en tête cette image de vous ayant atteint votre résultat, et dans le corps les sensations particulières qui y sont associées de plus en plus présentes, cela agit comme un aimant à l’intérieur et donc cela guide plus efficacement votre inconscient dans cette direction…
Non, ne commencez pas à imaginer tous les changements qui pourraient vous indiquer que vous commencez à changer plus rapidement maintenant !…
Tout le monde est-il hypnotisable ?
Alors oui, des études ont montré que seulement entre 10 et 15% de la population est suffisamment douée en hypnose pour s’absorber assez rapidement dans cet état particulier, de sorte à répondre aux suggestions d’un hypnotiseur dans un contexte de spectacle.
Des tests permettent à ce dernier d’identifier ces bons sujets, pour ensuite leur faire faire des choses surprenantes, pour le plus grand plaisir du reste du public.
Cela veut-il dire que la majorité des gens n’est pas hypnotisable ? Répondons à cette question par étapes…
Une chose est sûre, nous avons tous un inconscient. Pas ce monstre freudien qui nous tourmente avec ce qu’on aurait refoulé, non, les hypnothérapeutes ont une vision plus… pragmatique de la chose : il s’agit de « tout ce qui n’est pas conscient ».
Ce qu’on a appris, automatisé. Nos habitudes. Comment nous utilisons notre corps. Nos émotions. Notre intuition. Ces choses qui paraissent nous arriver, sur lesquelles nous croyons ne pas avoir de contrôle.
Inconscient = une machinerie qui apprend et automatise
Une autre croyance qu’utilisent les hypnothérapeutes, c’est que cette partie qui apprend et automatise le fait pour 1) s’assurer de note protection et 2) nous rapprocher de nos objectifs.
1) Le but c’est de survivre. Lorsqu’un danger est perçu, la peur ou d’autres réactions émotionnelles sont déclenchées pour y faire face.
2) Quand on désire quelque chose, des processus s’activent en nous pour l’atteindre.
Si on pense à un enfant qui voit les grands marcher, il peut n’avoir que très peu de « conscience » à proprement parler, néanmoins un « truc » à l’intérieur de lui le pousse à les imiter. Et la preuve qu’on est capable de miracles quand on persévère : personne ne s’est démoralisé d’être tombé plusieurs milliers de fois (en moyenne) avant de savoir se déplacer en bon bipède que nous sommes.
Je ne vous suggèrerais donc pas de prendre un instant, là, pour ressentir toute la reconnaissance à laquelle a droit votre inconscient pour toutes les capacités qu’il vous a permis d’acquérir au cours de votre vie : manier la parole, la lecture, l’écriture, détecter les émotions chez les autres, activer les vôtres en fonction des contextes dans lesquels vous vous trouvez, manœuvrer des véhicules, jouer d’un instrument, et certainement encore beaucoup d’autres choses…
Reconnaissez que c’est plutôt sympa de pas avoir à réapprendre ça tous les jours, non ?
J’imagine qu’en lisant ces lignes, vous pensez également à ce que votre inconscient a appris et automatisé qui ne vous plaît pas, et peut-être ne discernez-vous pas encore l’intention positive de ces apprentissages… Ces « symptômes » ou « problèmes » qui nous gâchent la vie et dont on ne souhaite que se débarrasser.
Avant de mettre en lumière le rôle que l’hypnose peut jouer à ce sujet, prenons le temps de poser quelques bases sur cette pratique.
Risquons-nous à définir le terme, de deux manières qui se complètent : l’hypnose c’est à la fois…
• Un ensemble de techniques qui permettent d’accéder à l’inconscient
• Et l’état que cette connexion génère (la « transe hypnotique »)
En hypnose, le conscient prend plus d’espace que d’habitude (parfois tant que le conscient déconnecte un peu), il sort des coulisses pour s’installer sur le devant de la scène. Ce qu’on vit paraît alors nous arriver… Proche du rêve, il arrive qu’on en oublie tout ou une partie, comme quand on se réveille trop brusquement.
Pour mieux éclairer le phénomène, prenons des exemples qui parleront à tout le monde (Milton H. Erickson – psychiatre américain qui très largement modernisé la discipline, au point de lui donner son nom – les nommait « états de transe quotidienne ») :
Parcourir un chemin que l’on connaît par cœur, et se rendre compte qu’on était consciemment absent.
Lire un livre passionnant, laissant l’inconscient déchiffrer les mots qui ne sont qu’ancre sur du papier et en créer une expérience interne, sans faire d’effort particulier. Ça se fait tout seul, pour notre plus grand plaisir.
Profiter d’un bon film, en préférant (inconsciemment) ne pas se rappeler que ce n’est que de la lumière projetée sur un écran, que les acteurs « jouent », pour pouvoir vivre les émotions des héros par procuration. Etonnante capacité quand on y pense (je ne mentionne même pas l’hallucination négative des bruits de popcorn mâché par votre voisin, fruit de votre attention sélective). Si vous n’étiez pas capable de générer une activité interne grâce à ces stimulus externes (puissent-ils êtres factices), cela n’aurait que peu d’attrait que d’aller au cinéma…
En fait, à bien y réfléchir, nombreux sont ces moments / activités hypnotiques que nous apprécions. Dans le sport quand on rentre « dans la zone » où l’intuition est décuplée et le corps semble faire tout seul. Quand on joue ou écoute de la musique. Quand on s’oublie dans une activité physique ou artistique en général…
Lorsque vous vous absorbez ainsi [vous n’êtes pas obligés de connecter, là, mentalement, avec d’autres situations de votre vie où vous avez cette impression de décrocher et d’entrer en transe], le rapport au temps change et ce dernier paraît se mettre en pause. Votre attention est alors focalisée sur ce que vous vivez à l’intérieur. Ces expériences de forte créativité sont généralement particulièrement agréables, générant un sentiment de paix, de connexion avec soi, de repos, voire de libération (notre société nous enseignant en général à essayer de contrôler un maximum de choses consciemment, ce qui est épuisant en plus d’être souvent contre-productif – cela a été démontré scientifiquement).
Vous percevez donc que, chacun vivant ce genre d’expériences, il est correct de dire que nous savons tous nous autohypnotiser. Qu’on en soit conscient ou pas !
Je vais maintenant aller un cran plus loin et vous montrer pourquoi cela veut dire que chacun est capable de se faire guider en hypnose.
Au risque de vous décevoir, je dois dire qu’un hypnotiseur n’hypnotise pas les gens. Il les aide à activer un état d’hypnose. Il les guide dans leur autohypnose. Je ne peux pas visualiser (un hippopotame) ni expérimenter une sensation ou une émotion pour vous. Vous seul pouvez. Par contre il est possible, par la communication, de vous inviter à le faire.
La voix du guide joue le rôle des mots imprimés qui constituent ce roman qui vous déconnecte des bruits qu’il peut y avoir autour de vous quand vous plongez dans le récit. Elle remplace ce film qui vous a emmené si loin que vous n’avez pas vu le temps passer.
De la même manière que certaines œuvres nous plaisent et nous transportent, et que d’autres nous laissent de marbre, ainsi en est-il de l’hypnose. Sans un bon rapport avec la personne qui vous stimule et un bon contexte, cela aura moins de chance de vous transporter.
Alors, avec ces idées en tête, on peut désormais répondre à la question de savoir pourquoi ces techniques de connexion avec l’inconscient facilitent-elles autant le changement (si on les compare aux efforts de la volonté) ?
Puis à celle de savoir si les effets perdurent dans le temps.
Rappelons-nous que l’inconscient veut notre bien. Autrement dit :
Ce que le conscient considère comme un problème = Solution du point de vue de l’inconscient
Pour citer des situations classiques en cabinet, la dépendance au tabac, les troubles du comportement alimentaire, l’onyrophagie, les phobies, l’anxiété… sont, du point de vue du thérapeute, des manières de répondre à des besoins. Peut-être un peu inadaptées, maladroites, excessives. Mais des manières de répondre à un besoin tout de même.
Ainsi, il arrive que fumer permette de créer une sensation de détente (alors que c’est rempli de produits excitants, preuve s’il en est du pouvoir de l’esprit) ; que le grignotage aide à faire passer des émotions indigestes ; que limer ses ongles à la dents puisse faire baisser la pression ; qu’une peur soit une forme de protection ; que faire l’expérience d’angoisse soit un signal pour se protéger…
Des « solutions » un peu datées qui méritent d’être mises à jour, en somme !
[EXERCIE : identifiez à quels besoins vos problèmes permettent ou essaient de répondre]
En hypnothérapie, on sublime l’énergie perdue dans la lutte contre soi par la recherche de nouvelles solutions. Le conflit interne, stratégie transmise par défaut, génère d’ailleurs beaucoup de souffrance et de résistance au changement. Être volontaire quand on fait un régime marche… jusqu’à ce que la fatigue ou que le stress ne nous rattrape et nous fasse craquer, source de frustration et amplificateur des dysfonctionnements.
Ainsi, cette simple évolution dans le rapport aux problèmes peut permettre le changement, car on sort du cercle vicieux qui entretenait la situation (qui s’incarne souvent dans une double contrainte du genre « si je me retiens de fumer je suis frustré, et si je fume je me déçois »).
Connecté à cette partie de soi comme quand un roman ou un film nous a touché et fait bougé, alimenté par l’énergie des émotions, ces nouvelles solutions peuvent être mises en place et automatisées (rappelez-vous, c’est le boulot de l’inconscient) de manière étonnamment rapide !
Si tant est que ces nouvelles manières de répondre à nos besoins respectent qui nous sommes, rien ne s’oppose à ce qu’elles s’automatisent et se généralisent. Qu’elles deviennent nos nouvelles habitudes. Pérennes.
Alors, maintenant que vous avez un aperçu de comment vous pouvez accélérer votre mue vers la nouvelle version de vous-mêmes, je suis curieux de savoir quels premiers changements vous allez constater dans votre vie à mesure que votre conscient et inconscient s’amusent à mieux se connaître et à travailler ensemble plus efficacement…
Article d’Adrien Moulard, hypnothérapeute à Paris
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